Québec : Scandaleux cadeau de 600 millions$ l’an à la mafia pharmaceutique

2011/11/29 | Par Léo-Paul Lauzon

Pendant que le gouvernement libéral de Jean Charest demande et exige de la population, au nom d’une pseudo-solidarité, de payer plus de TVQ et qu’il tarifie tous les services publics abondamment, il fait cadeau d’au moins 600 millions $ l’an à la riche et puissante industrie pharmaceutique, constituée de multinationales, comme Pfizer, Merck et Bristol-Myers Squibb, qui sont plus grosses que le Canada. Ces transnationales qui embauchent des milliers de lobbyistes dont plusieurs, comme dans tous les autres secteurs économiques, sont d’ex-politiciens qui deviennent alors leurs valets.

Au même moment que Charest et compagnie gave les pharmaceutiques milliardaires de fonds publics, notre système de santé publique dangereusement sous-financé tue. Les gens meurent dans l’attente d’une opération ou d’un scan; les cancéreux d’Abitibi, de Sept-Îles ou de Gaspé doivent se déplacer à Montréal ou à Québec pour leur chimiothérapie ou leur radiothérapie; les malades n’ont pas de chambre d’hôpital et sont cordés à la queue-leu-leu dans les couloirs; on attend plus de 20 heures à l’urgence; la majorité de la population n’a pas de médecin de famille, et pour consulter un spécialiste faut parfois compter douze mois, et j’en passe.

Le patronat, les politiciens, les économistes et les universitaires de service nous répètent souvent que le modèle québécois coûte cher et que l’on n’a plus les moyens de le maintenir. Ces profiteurs clament qu’il faut couper dans certaines vaches sacrées rattachées à nos services publics maigrichons et omettent sciemment de parler des énormes vaches sacrées réservées strictement aux bonzes comme le cadeau annuel de 600 millions consenti aux pharmaceutiques. Leurs vaches sacrées sont très sélectives et leur modèle québécois est à géométrie variable.

Ce sont ces mêmes zouaves qui nous enjoignent, au nom de la compétitivité inter-provinciale, d’adopter des politiques économiques, fiscales et sociales concurrentielles avec l’Ontario. Ben justement, comparons le modèle québécois avec l’Ontario. Disons d’emblée que le Québec est le champion canadien des subventions aux écoles privées, soit 400 millions $ l’an contre zéro dans la province voisine. Et selon le Fraser Institute, Québec verse 6 milliards$ en subventions annuelles aux entreprises sans compter le 3 milliards $ d’aide octroyée sous forme de tarifs d’électricité réduits chaque année aux alumineries. L’Ontario verse 3 milliards $ en subventions et rien en bas tarifs d’électricité. Ça fait donc 6 milliards $ par année de plus au Québec par rapport à l’Ontario.


Cadeau d’au moins 400 millions $ l’an aux pharmaceutiques de médicaments d’origine

Le Québec est la seule province à accorder 15 ans de protection aux médicaments brevetés, soit 2 ans de plus qu’ailleurs. Comme Québec rembourse à gros prix pendant deux ans de plus que dans les autres provinces les médicaments d’origine, au lieu de défrayer le prix des génériques (ces copies conformes des médicaments brevetés), ça fait que ça lui coûte la modique somme de 400 millions$ l’an de plus qu’en Ontario pour absolument rien, si ce n’est que d’obtempérer aux lobbyistes, issus souvent de la famille libérale, et d’enrichir indument cette industrie qui finance grassement le parti libéral du Québec à même les fonds publics du monde ordinaire. Des montants substantiels que l’on pourrait investir directement dans notre système de santé publique.

Un article de La Presse du 17 juillet 2010 s’intitulait ainsi : «Règle des 15 ans en pharmaceutique. Québec en réflexion». Ils sont plus prompts et plus courageux pour déréglementer le marché du travail et taxer le monde ordinaire de toutes les façons inimaginables et toujours de façon régressive. Eh bien, avoir réfléchi pendant plus d’un an, le gouvernement libéral du Québec vient de rendre sa décision : «Secteur pharmaceutique. La règle de 15 ans ne sera pas réévaluée» (La Presse, 27 octobre 2011). Tout simplement odieux comme décision et pas un éditorial et pas une chronique pour dénoncer ce geste hautement criminel. Merde, on demande juste de faire comme en Ontario. Suis-je un dangereux communiste révolutionnaire armé pour autant?

Pour tenter de défendre cette décision indéfendable, Jacques Delorme, du ministère des Finances, dans l’article de La Presse du 27 octobre 2011, nous a pondu l’énormité voulant que le gouvernement ne peut pas calculer les coûts et avantages de cette politique, que seul le Québec applique, puisqu’il n’a pas eu accès à, tenez-vous bien, «l’algorithme complexe de Statistique Canada».

Algorithme complexe mon cou. Nous servir une telle explication relève du mépris et de l’insulte. Une simple analyse comptable différentielle aurait pu permettre de calculer les coûts versus les avantages. Mais, comme il n’y a aucun avantage, le petit monsieur nous a sorti cet argument débile et primaire. Il aurait pu demander à l’Ontario une copie de leurs calculs. Charest a-t-il utilisé l’algorithme complexe pour accorder de nouveaux tarifs d’électricité aux alumineries Alcoa et Alouette pour leurs investissements qui va créer des emplois en «moins» et pour les milliards $ de fonds publics qu’il s’apprête à dépenser dans son fameux «plan Nord».

Puis, le même minusque, Jacques Delorme, nous a sorti le mensonge gros comme deux bras des investissements en recherche des pharmaceutiques brevetés au Québec afin de justifier cette dilapidation d’argent collectif.

Puis-je référer le pantin à l’article du Devoir du 9 juillet 2010 intitulé : «Merck ferme son laboratoire montréalais. La cessation des activités entrainera 180 suppressions d’emplois» et à celui de La Presse du 10 novembre 2010 : «Merck au Canada. De la recherche… sans laboratoire». Je suppose que Merck va faire de la recherche fondamentale en santé dans un autobus ou dans une tente-roulotte. Monsieur Delorme, pas besoin d’algorithme pour retracer ces articles de journaux. Puis, il y a le titre de ces deux articles qui viennent contredire les faussetés du ti-coune du ministère des Finances qui répète religieusement ce que son ministre lui a dit de dire :

  • «Ratiopharm. Licenciements à Mirabel. Fermeture de son centre de recherche qui entrainera une cinquantaine de pertes d’emplois (La Presse, 5 novembre 2010);

  • «Autre coup dur pour la recherche à Montréal. Pfizer élimine 150 postes» (La Presse, 3 février 2011);

  • «Pharmaceutique. Labopharm supprime 23 autres emplois» (Le Devoir, 19 juillet 2011).

Maintenir la règle de 15 ans, coûte au minimum 400 millions $ l’an au trésor québécois puisqu’en délaissant un seul médicament, le Lipitor (cholestérol) de Pfizer au profit d’un médicament générique ferait que : «Lipitor : Québec pourrait épargner jusqu’à 225 millions de dollars par an grâce aux médicaments génériques» (Les Affaires, 6 mars 2010).


Cadeau d’au moins 200 millions $ l’an aux pharmaceutiques de médicaments génériques

Les pharmaceutiques génériques sont aussi voleuses que les pharmaceutiques de pilules brevetées. Ce qui fait qu’en Ontario, en 2010, le premier ministre Dalton McGuinty a décidé, au nom des intérêts supérieurs de la collectivité, d’abaisser le prix des génériques à 25 % du prix du médicament breveté, ce qui va permettre à l’Ontario d’économiser 500 millions$ par année et des économies substantielles de 300 millions $ l’an seront au rendez-vous si Québec ne fait qu’appliquer la même règle qu’en Ontario : «Médicaments génériques. L’Ontario joue les précurseurs. Des économies de 300 millions $ l’an sont envisagées au Québec» (La Presse, 9 avril 2010).

Naturellement, les compagnies génériques et les pharmaceutiques ont grimpé dans les rideaux et ont sorti l’artillerie lourde en Ontario. Qu’à cela ne tienne : «Ontario. Le premier ministre reste indifférent» (Journal de Montréal, 14 avril 2010). Bravo monsieur McGuinty qui vient d’être réélu. Pourtant, monsieur McGuinty n’est pas un socialiste pur et dur qui veut tout étatiser.

Au Québec, c’est pas pareil et le modèle québécois est intraitable pour maintenir les grosses vaches sacrées des bonzes. Ça fait que de connivence avec Charest et les libéraux, les profiteurs ont, avec leurs médias comme haut-parleur, fait peur au monde comme dans : «Coût des médicaments. Les fabricants de génériques brandissent les menaces» (La Presse, 30 juin 2010) et aussi «Les pharmaciens propriétaires menacent de réduire leurs services» (Le Devoir, 9 novembre 2010).

Que dire des pressions de Jean Coutu : «L’exemple ontarien inquiète le Groupe Jean Coutu» et «Médicaments génériques. Jean Coutu veut des mesures transitoires» (La Presse, 7 juillet 2010). Enfin, il y a eu aussi celle-ci : «Médicaments génériques. L’industrie menace d’annuler des investissements» (Le Devoir, 30 juin 2010).

Ce chantage éhonté des arnaqueurs, l’Ontario en a fait fi et il n’aurait absolument pas été toléré dans plusieurs pays, mais au Québec oui, car le gouvernement libéral est complice de ceux qui nous taxent continuellement.

Fanfarons avec les syndicats, matamores avec le monde ordinaire, mais compréhensif, tolérant et soumis avec les puissants. Merde, je ne dis pas de faire comme en Finlande ou en Chine mais d’appliquer les mêmes politiques qu’en Ontario, qui est notre principal concurrent économique. Quand ça fait leur affaire, les affairistes et les lucides exigent que l’on promulgue des politiques fiscales, économiques et sociales plus compétitives que l’Ontario.

Quand ça va à l’encontre de leurs intérêts, comme dans le cas des médicaments brevetés et génériques, alors là il ne faut surtout pas faire comme le très mauvais exemple de l’Ontario. Il aurait fallu que Jean Charest et son ministre de la Santé, Yves Bolduc, fassent avec les pharmaceutiques et les pharmaciens comme leur petit pitbull Lise Thériault l’a fait avec le syndicat FTQ dans la construction et comme l’a fait le premier ministre de l’Ontario Dalton McGuinty, et répliquent que ces odieuses menaces des entreprises concernées sont inacceptables en démocratie et que le gouvernement du Québec tiendra absolument son bout en appliquant les mêmes mesures qui ont été adoptées en Ontario.

Mais non, cédant aux pressions des lobbyistes, des pharmaciens et des pharmaceutiques avec qui le gouvernement libéral du Québec est en quelque sorte lié, Charest a ramené le prix des génériques à 50 % du prix des médicaments d’origine au lieu de les abaisser à 25 % comme en Ontario.

Résultat, au lieu d’épargner plus de 300 millions$ l’an : «Québec épargnera 164 millions$« (La Presse, 6 novembre 2010). Et comme si ce n’était pas assez cynique, la modique baisse du prix des génériques sera progressive, ce qui revient à dire que dans beaucoup de cas, il n’y en aura pas de diminution du prix des génériques : «Médicaments génériques. Québec revient sur son engagement» (La Presse, 6 novembre 2010). Vraiment écœurant, si vous voulez mon avis et même si vous ne le voulez pas.

Voilà pourquoi on en arrive à : «Méfiance extrême envers les élus. Les Québécois sont ceux qui jugent le plus sévèrement leur gouvernement» (La Presse, 19 ocrtobre 2011). Et ils ont tout à fait raison. Je vous le dis, les indignés d’aujourd’hui deviendront les révoltés de demain. Et ce sont les profiteurs et leurs marionnettes de politiciens qui seront responsables de la violence qui couve et qui éclatera bien avant qu’on le pense.

Quand les révoltés vont brasser la cage, faudrait pas que ces hypocrites, ces opportunistes et leurs apparentés viennent jouer à la vierge offensée et viennent faire leurs innocents. Ils en seront responsables et je leur souhaite le même traitement qu’ils ont réservé aux travailleurs et au monde ordinaire pendant plusieurs années. Ce serait que justice rendue pour tout ce qu’ils ont fait subir aux travailleurs, aux malades, aux étudiants, aux personnes âgées, aux démunies, à la classe moyenne, etc.

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