Incongruités et aberrations

2024/06/07 | Par Michel Rioux

Ce ne sont pas les incongruités ni même les aberrations qui manquent en ces temps plutôt surprenants où, au contraire, aberrations et incongruités prolifèrent.

La Bible et le Coran

Ainsi donc, si, en parlant, mettons, des Anglais, je citais la Bible dans le texte, dans les termes suivants : « Eh bien, va les attaquer maintenant, détruis complètement tout ce qui leur appartient, sans pitié. Mets à mort tous les êtres vivants, hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes. » (1S 15.3). Et que j’en remettais en disant : « Que leurs descendants soient exterminés et que leur nom disparaisse dans la génération suivante ! », je ne commettrais pas un crime aux yeux du Code criminel du Canada. Il existe en effet ce qu’on appelle une exemption religieuse selon laquelle citer un livre saint exonère de toute responsabilité criminelle celui qui en emprunte les termes.

C’est Adil Charkaoui qui a dû en rire un bon coup dans sa barbe bien garnie quand il a appris que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ne le poursuivrait pas pour incitation à la haine et à la violence pour avoir cité le Coran avec une phrase qui, pourtant, ne prêtait guère à interprétation : « Allah, charge-toi des agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous, puis extermine-les. Et n’épargne aucun d’entre eux! »

Ce sont en effet des révélations faites par Dieu au prophète Mahomet et pour lesquelles l’archange Gabriel avait servi d’intermédiaire. Mais comme c’est Allah qui a tenu ces propos il y a quatorze siècles, impossible d’en tenir rigueur à ce cher Adil, qui les a pourtant repris à son compte.

Une langue dans le vinaigre

Un juge de la Cour du Québec a lancé un pavé dans la mare en faisant tomber un pan de la réforme de la langue française adoptée par le gouvernement caquiste. L’obligation de traduire sans délai en français les jugements rendus en anglais ne peut être imposée dans un procès au criminel, a tranché le juge Dennis Galiatsatos.

Le juge se pose de la sorte en plaignant, en avocat et en juge en même temps.

Le juge a demandé aux avocats de la plaignante de plaider que la loi 96, qui oblige dorénavant que les jugements rendus en anglais soient traduits en français car, selon lui, cette disposition brimait les droits fondamentaux de la plaignante. Ce qu’elle et son avocat ont refusé de faire.

Ne reculant devant rien, le juge Galiatsatos s’est lui-même autorisé à juger de la constitutionnalité de la loi 96. Les avocats de Québec et d’Ottawa ont protesté. En vain. Et deux semaines plus tard, il a déposé son jugement dans une cause qu’il a créée de toutes pièces, sans l’accord de la plaignante et sans entendre la défense.

Rien de nouveau sous le soleil cependant.

En février 1974, les ouvriers de la Canadian Gypsum de Joliette s’étaient vu interdire de dresser une ligne de piquetage à moins de 1000 pieds de l’usine. L’injonction du juge G. Montgomery était rédigée dans la seule langue anglaise.

En 1987, un cas similaire s’était présenté. Un francophone s’était plaint auprès du juge en chef de la Cour supérieure, Allan B. Gold, d’avoir reçu un jugement écrit lui aussi dans la seule langue anglaise. Ce dernier avait donné raison au juge John R. Hannan, qui avait prononcé ce jugement. Cela, paraît-il, aurait représenté un déni de justice que d’empêcher ce juge de rédiger son jugement dans sa langue à lui… On imagine la tête du citoyen français recevant un jugement le concernant en langue italienne ; d’un citoyen américain recevant un jugement en langue allemande ; d’un citoyen anglais recevant un jugement en langue… française !

Et dire que la Constitution canadienne n’a toujours pas de version officielle en français 42 ans après son adoption…

De gré à gré

La vérificatrice générale du Canada, dans son dernier rapport, a dénoncé le recours de contrats de gré à gré, d’une valeur de 118 millions $ étalés sur douze ans, entre plusieurs ministères et organismes fédéraux et la firme de consultants McKinsey.

À Québec aussi, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, et le PDG de l’Autorité des marchés publics, Yves Trudel, se sont inquiétés récemment de la hausse des contrats accordés de gré à gré entre les entreprises et les gouvernements. Selon M. Trudel, il y a recrudescence de la présence du crime organisé et de la collusion dans le milieu de la construction. Ce type de c0ntrat a augmenté de 30 % depuis trois ans, selon l’AMP.

L’ironie dans cette affaire, c’est que la personne qui a agi comme procureure à la Commission Charbonneau et aujourd’hui présidente du Conseil du Trésor, Sonia Le Bel, ne semble pas s’alarmer de la chose. « Il ne faut pas démoniser le contrat de gré à gré en prétendant que tout contrat de gré à gré mène nécessairement à de la malversation, ce n'est pas le cas ! »

Un ange passe…