« La guerre, yes sir ! », clament les pétrolières, les marchands d’armes, les minières et ceux qui les financent

2022/03/11 | Par Pierre Dubuc

Steven Guilbeault et sa patronne Chrystia Freeland ont jugé que, dans 40 jours, il leur serait plus facile de vendre le projet de forage pétrolier de Bay du Nord, au large de Terre-Neuve. D’ici là, espèrent-ils, la crise énergétique va s’intensifier et l’Europe va appeler le Canada à l’aide. Déjà, le chancelier allemand Olaf Scholz a fait part de son intérêt. Dans le résumé de l’appel échangé avec le premier ministre Trudeau, il est écrit qu’ils ont « discuté d’une éventuelle coopération future dans le domaine du gaz naturel liquéfié ». Et Mme Freeland est présentement en Europe pour faire « cheminer » le dossier.

D’autre part, Jean Charest se présente devant les conservateurs comme le plus apte à convaincre le Québec d’accepter le passage de pipelines sur son territoire.

Enfin, Jason Kenney flotte dans les vapeurs d’une nappe de pétrole. Son budget provincial est redevenu excédentaire. Parions qu’il va bientôt revenir à la charge avec une remise en question de la péréquation.
 

Les marchands d’armes

D’autres jubilent, ce sont les marchands d’armes. Le Canada envoie quantité d’armes non létales et létales à l’Ukraine et les pressions s’exercent de toutes parts pour une augmentation substantielle du budget militaire. Après tout, pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’Allemagne qui vient d’y consacrer la somme astronomique de 100 milliards $, tout en promettant de hausser sa contribution de 1,4% à 2% de son PIB.

L’éditorialiste de La Presse, Stéphanie Grammond, vient de donner son aval à cette idée dans un édito coiffé du très original et subtil titre : « Armons-nous pour la paix ». Elle déplore le fait que « le Canada fait figure de cancre, à 1,4 %, ce qui est largement en dessous du niveau de 2 % préconisé par l’OTAN ». Elle a même publié son carnet de commandes : Moderniser la chaîne de radars Norad dans le Grand Nord, des navires, des avions de chasse.
 

Collés hier, collés aujourd’hui, collés demain

Cela n’a évidemment rien à voir avec le fait que les libéraux ont voté une loi, taillée sur mesure pour La Presse, accordant de généreuses déductions fiscales à ses donateurs. Le journal a pu ainsi enregistrer en 2021 un bénéfice net de 14 millions $. De son côté, le Devoir attend toujours l’autorisation de l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour bénéficier des mêmes avantages que La Presse. Le Devoir ne fait pas partie du club sélect des cinq entreprises de presse qui ont été reconnues par l’Agence au Canada. Selon son directeur Brian Myles, le Devoir a été privé d’un million de dollars de dons parce que de nombreux donateurs retardent leurs dons jusqu’à ce que l’ARC statue sur leur demande.
 

Les gagnants

Gérald Filion de Radio-Canada et d’autres chroniqueurs économiques ont bien documenté les avantages que pourrait tirer le Canada de cette guerre. D’abord, le blé. La Russie est le troisième producteur mondial de blé, l’Ukraine est au neuvième rang et le Canada en septième place. De nouveaux marchés s’ouvrent donc pour le Canada avec le boycottage du blé russe.

Ensuite, l’aluminium. La Russie est le troisième producteur d'aluminium du monde. Le Canada est au quatrième rang. Et la Russie est le pays qui exporte la plus grande part de sa production. Le prix de l’aluminium dépasse les 3700 $ US la tonne, un sommet historique. Il va continuer de monter pour le plus grand bénéfice des alumineries québécoises, sans que cela n’entraîne une hausse de l’emploi parce qu’elles produisent déjà à 95% de leurs capacités.

Enfin, il y a évidemment les hydrocarbures, dont les prix explosent et les projets de pipeline qui sont remis sur la planche à dessin.

Si on comprend bien, le prix du blé, de l’aluminium et de l’essence va s’envoler, de même que les profits de ces producteurs.
 

Les minières

Il ne faudrait pas oublier les minières. Le prix du nickel vient de doubler ! Les prix du cobalt, du manganèse et du lithium atteignent également de nouveaux sommets. Au cours de la dernière année, le prix du lithium a triplé. Le prix des batteries des voitures électriques et, donc, celui des voitures va augmenter.

Mais il y a plus. Réalisant que les États-Unis étaient dépendants de la Chine au point de vue manufacturier et pour plusieurs métaux stratégiques, la Maison-Blanche a commandé un rapport, qui a été publié en juin 2021 sous le titre Supply Chains, Revitalizing American Manufacturing, and Fostering Broad-Based Growth. 100-Day Reviews under Executive Order 14017.

Dans ce rapport, il y a une section produite par le Département de la Défense sur les matériaux et minéraux stratégiques. On y trouve une carte du Canada intitulée Canadian Strategic and Critical Material Deposits. Le Québec est bien pourvu de ces réserves de matériaux stratégiques et critiques, qui attisent la convoitise de l’Oncle Sam. Sur une liste de 35 minéraux identifiés comme étant « critiques pour l’économie et la sécurité nationale » des États-Unis, le Canada est un important producteur de treize d’entre eux. Dans ce nombre, il y a le lithium dont le Québec détient 25% des réserves en Amérique du Nord. Le lithium est encore inexploité au Québec, mais son exploitation est synonyme de désastre écologique partout à travers le monde et suscite d’importantes mobilisations des populations concernées.

Voilà pour les principaux gagnants de cette guerre, auxquels il faut bien entendu ajouter « nos » oligarques financiers de Bay Street à Toronto.
 


 

Les perdants

Les perdants sont plus faciles à identifier. Ce sont les consommateurs, c’est-à-dire les travailleuses et les travailleurs, qui vont devoir faire face à une importante hausse des prix du panier d’alimentation, des voitures et du transport. S’ajoutera à cela une hausse importante des impôts et des taxes pour à la fois réduire le déficit découlant des dépenses nécessitées par la pandémie et, maintenant, par la hausse vertigineuse des dépenses militaires.

Nouriel Roubini, un économiste très écouté parce qu’il a prédit la débâcle financière de 2008, prévoit une stagflation, c’est-à-dire une importante récession accompagnée d’une forte inflation. Ça va faire très mal à la fois à l’emploi et au portefeuille. Et la récession est une « solution » toute indiquée pour résoudre la pénurie d’emplois.

Voilà où nous conduit la guerre actuelle entre l’Ukraine et la Russie. Et dire qu’il y en a qui, au lieu de prôner une solution diplomatique à la crise, militent pour un affrontement direct et ouvert de grande ampleur entre l’OTAN et la Russie avec le risque très réel de nous entraîner dans une Troisième Guerre mondiale.

Vivement la désescalade ! Il faut mettre à la porte du cabinet fédéral Mme Freeland et les autres va-t’en guerre ! Les indépendantistes québécois doivent renouer avec leur passé pacifiste !