Trump et Netanyahu ont le même guru

2024/08/23 | Par L’aut’journal

Dans son livre Les ingénieurs du chaos (JCLattès, 2019), essentiel pour comprendre la politique aujourd’hui, Giuliano da Empoli nous présente Arthur Finkelstein, le guru responsable en grande partie des victoires électorales de Trump et de Netanyahu.

Le vrai talent de Finkelstein, nous dit da Empoli, consiste non pas tant à promouvoir son candidat qu’à détruire l’adversaire. Nous savons tous très bien que c’est la méthode Trump. Mais voici ce qu’il écrit à propos de la relation Finkelstein et Netanyahu.

« En 1996, Finkelstein débarque en Israël où il trouve une situation encore plus explosive que d’habitude. Le Premier ministre, Yitzhak Rabin, vient d’être assassiné par un fanatique juif opposé aux accords de paix qu’il avait conclus avec les Palestiniens. Son ministre des Affaires étrangères, prix Nobel de la Paix, Shimon Peres, lui a succédé.

Il s’agit d’une figure modérée, mondialement reconnue pour laquelle tout le monde prédit une large victoire aux prochaines élections de printemps.

Mais, Finkelstein ne se laisse pas abattre. Son candidat, Benjamin, dit « Bibi » Netanyahu, est considéré comme un extrémiste inexpérimenté et peu fiable. Dans un premier temps, Arthur le pousse à se teindre les cheveux en gris, pour lui donner une apparence plus respectable : ‘‘L’aspect physique est important, dit-il, le candidat le plus grand gagne les élections dans 75% des cas.’’

Puis, il commence le travail habituel de démolition de l’adversaire. ‘‘Peres veut diviser Jérusalem’’ en donner la moitié aux Palestiniens : voici sa ligne d’attaque.

À travers une campagne très violente, totalement inédite en Israël, Finkelstein dépeint Shimon Peres comme un traître à la patrie, imprégné des habituelles pieuses illusions qui caractérisent les libéraux du monde entier. À l’inverse, le slogan élaboré pour le candidat conservateur est simple et efficace : ‘‘Netanyahu est bon pour les juifs.’’ En gros, lui seul est un vrai patriote, et seulement ceux qui sont avec lui peuvent être considérés comme des vrais juifs. Les autres ne sont que des libéraux, faibles ou, encore pire, complices des Arabes. Peu importe si 20% des citoyens israéliens sont eux-mêmes arabes. Si cela permet de cimenter le bloc du vrai peuple israélien derrière son candidat, Finkelstein renonce à leurs votes le cœur léger. Étonnamment, la manœuvre fonctionne : Netanyahu conquiert la majorité grâce à une poignée de voix de différence et il devient le Premier ministre d’Israël.

Dans les années qui suivent, Bibi continuera à renforcer son hégémonie politique en utilisant la simple ligne de division définie par Finkelstein : nous contre eux, le peuple d’un côté et ses ennemis de l’autre. Qui n’est pas avec Netanyahu n’est pas un vrai juif. »