Consternante politique de « défense » de Justin Trudeau

Un budget militaire qui trahit les aspirations pacifistes des Québécois

2017/06/15

C’est porté par un vif sentiment de solidarité humaine et de compassion avec les millions de réfugiés et de morts, que provoquent NOS guerres impérialistes, qu’il nous faut condamner aujourd’hui la politique de pseudo-défense, dévoilée le 7 juin 2017 par le gouvernement libéral. Sans jamais mentionner son militarisme en campagne électorale, ce dernier a décidé de plaire à Donald Trump en augmentant le budget militaire de 70 % en neuf ans, soit de 18,9 milliards à 32 milliards de dollars en 2026, excluant les coûts d’opérations éventuelles. Nous portons le deuil des programmes sociaux sacrifiés pour financer une telle priorité honteuse ! 

Il y a moins de deux mois, le premier ministre Trudeau recevait au Parlement une véritable héroïne, Malala Yousufzai, qui avait condamné devant Obama le survol de son pays, le Pakistan, par des drones états-uniens à toute heure du jour et de la nuit, frappant sans distinction islamistes et surtout civils innocents. Trudeau la trahit aujourd’hui en laissant la Défense acheter des drones armés. Il trahit aussi, comme aucun autre chef politique depuis la Seconde Guerre mondiale, les aspirations pacifistes des Québécois. 

Une effroyable politique 
de mort

– Militariste et soumis à des influences étrangères aux valeurs de notre pays (Trump, l’OTAN et les industries militaires états-uniennes telle Lockheed Martin, où l’ex-général Charles Bouchard, qui a commandé les forces aériennes de l’OTAN en Libye en 2011, est à la tête de sa filiale canadienne vendant ses drones et cherchant à vendre ses F-35 et armes à sous-munitions ; 

– Obsolète au point d’être arriéré. En 1992, il y a un quart de siècle, un rapport, intitulé Enquête populaire sur la paix et la sécurité, condensant 600 mémoires reçus de partout au Canada et reçu avec ouverture par le premier ministre Jean Chrétien, suggérait une politique de paix et de sécurité ; 

– Ruineuse et anti-démocratique : Le Vérificateur général a dénoncé les coûts des 15 navires de guerre, grimpés de 26 à 61 milliards $, auxquels s’ajoutent les Super Hornets à 7 milliards, coût appelé à tripler, et même à décupler vu la commande qui passera à 88 avions de chasse, sans utilité défensive. Que dire des commandes d’hélicoptères d’attaques et de blindés, absurdes dans un pays dont la seule frontière terrestre est avec les États-Unis ; 

– Très dangereuse pour la sécurité du pays et de ses citoyens et citoyennes et à la remorque d’une OTAN agressive : 

• Envers l’Iran, qui a pourtant réélu un modéré, qui respecte scrupuleusement son entente avec Obama sur la limite imposée à ses réacteurs nucléaires civils ; 

• Envers la Russie, en alliant le Canada avec des éléments fascisants en Ukraine, en Pologne et en Lettonie ; dont les bombardements en Syrie, en Afghanistan, en Irak et en Libye ont provoqué une marée de réfugiés, qui a augmenté le racisme islamophobe en Occident et changé le régime Erdogan en Turquie en dictature islamique emprisonnant des dizaines de milliers de journalistes, civils, et élus démocratiques. 

Toute personne le moindrement informée devrait réclamer la démission du ministre Harjit Sajjan et la mise en tutelle de la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, du moins jusqu’à ce qu’elle engage une enquête publique sur le rôle de l’OTAN. 

Le premier, Harjit Sajjan, victime d’un vraisemblable choc post-traumatique suite à l’aventure militariste de 2006, qui a coûté le plus grand nombre de morts canadiennes en Afghanistan (au point où il a menti dans un discours en Inde sur sa participation, auto-glorifiée sans mesure avec la réalité), ment quand il affirme son budget, basé sur « peut-être la plus complète consultation démocratique jamais effectuée », alors qu’il a refusé de prendre connaissance du mémoire des Artistes pour la paix (APLP). 

Ce mémoire recommandait au ministère de la Défense, à l’instar de notre présentation au Sénat en 1994, qu’il soit rebaptisé ministère de la Paix et de la Sécurité, que le Canada se retire de l’OTAN militariste dont les bombardements n’ont fait qu’armer les Talibans, Al-Qaïda et Daech, et qu’il priorise le désarmement (armes chimiques avec l’OPCW, mines anti-personnel, bombes à sous-munitions) et la protection des femmes (rapport interne Deschamps).

La ministre Freeland, quant à elle, a « insisté sur la nécessité pour le Canada de   promouvoir et de défendre le principe de l’inviolabilité des frontières (l’a-t-il fait en Syrie, en Irak et en Libye ?), le multiculturalisme et la protection de l’environnement (s’est-elle prononcée contre les pipelines de pétrole sale envahissant les Premières Nations contre leur gré ?) ». 

L’éloge militariste par le gouvernement, de l’OTAN et de la défense aérospatiale nord-américaine, est déplorable, tout comme son refus de s’engager à rendre les armes nucléaires illégales, avec le Secrétaire général de l’ONU, avec 130 autres pays, avec 7 200 Maires pour la Paix, avec les Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement, ainsi qu’avec 960 membres de l’Ordre du Canada. Il est ironique de constater que la Chambre des communes ait tenu un débat toute la journée du 8 juin sur ce sujet, vaillamment défendu par le NPD et par Elizabeth May (huit heures de débats diffusés au CPAC) contre l’hypocrisie libérale et conservatrice, le Bloc étant, (hélas) occupé (mais avec succès !) à contrer l’autodestruction massive. 

Nous réclamons du Canada un Comité sénatorial ou/et de la Chambre des communes sur le fiasco de l’OTAN en Libye, à l’instar du Comité des Affaires étrangères de la Chambre des communes du Parlement britannique, dirigé par le député conservateur Crispin Blunt, qui a produit à l’automne dernier un rapport-choc, intitulé Libya : Examination of intervention and collapse; the United Kingdom’s future policy options. 

On lira l’excellent résumé de ce rapport rédigé par Pierre Dubuc de l’aut’journal 1 et un article de John Pilger2 dénonçant la manipulation par les services secrets britanniques des terroristes libyens de Manchester, au mépris de la sécurité de la population. Une telle enquête remettrait en question, comme les Artistes pour la Paix le réclament depuis 1991, l’appui inconditionnel du Canada à l’OTAN. 

La dernière action militaire d’envergure du Canada, en 2011, n’a-t-elle pas disséminé les armes de Kadhafi aux mains de l’État islamiste, la rendant ainsi indirectement responsable de 20 millions de morts que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés prévoit ce printemps en Afrique ? Hélas, les deux ministres y ont même abandonné le Mali où 650 Casques bleus canadiens devaient être déployés depuis un an… 

Bravo à Hélène Laverdière du NPD pour avoir exigé que la ministre arrête ses poncifs creux de supposées valeurs et qu’elle défende concrètement des communautés en péril tels les Kurdes, les Palestiniens, les Yéménites, les Rohingas du Myanmar et des individus persécutés tel Raïf Badawi, emprisonné par une Arabie saoudite à qui le Canada vend pour quinze milliards de dollars de véhicules blindés. 

Réactions des médias ? Le Devoir fait de l’humour en titrant « Ottawa dévoile son offensive en défense » et Radio-Canada fait de la propagande honteuse, parlant de « budget bonifié » après « un gouffre financier pour les militaires à l’époque conservatrice ». 

Consternation est un mot faible pour décrire l’état d’esprit des pacifistes à la suite de la présentation de cette politique de « défense ».


(1) http://lautjournal.info/20161011/un-rapport-choc-sur-lintervention-milit...

(2) http://lautjournal.info/20170605/du-nouveau-sur-les-attentats-de-manchester

* L’auteur est pianiste et prof honoraire de l’UQAM, vice-président d’Artistes pour la Paix  et co-président d’honneur du Rassemblement Québécois pour la Paix