M. Péladeau, vos actions parlent plus fort que vos mots

2014/11/17 | Par Pascale St-Onge

L’auteure est secrétaire générale de la Fédération nationale des communications (FNC–CSN) 

Devant les affirmations de M. Pierre Karl Péladeau sur sa page Facebook en date du 11 novembre, reprises devant les journalistes de la Tribune de la presse à Québec, la Fédération nationale des communications (FNC–CSN) souhaite rectifier certains faits. Nous tenons à le faire d’abord et avant tout par respect pour les employés qui ont été victimes de ses manoeuvres brutales en relations de travail et qui, en outre, subissent aujourd’hui l’odieux de l’entendre minimiser les enjeux et les impacts de ses lockouts sur leur vie et sur leurs conditions de travail (pour celles et ceux qui en ont encore un).

Contrairement à ce qu’il prétend, il s’agit bien de 14 syndicats qu’il a mis en lockout au cours de son règne à la tête de Québecor Média et non pas trois, comme il l’affirme.La liste se trouve ici. Et à cette liste s’ajoutent ceux à l’hebdomadaire Le Réveil (2009) et au Journal de Montréal (2009-2011). Il mentionne ses lockouts chez Vidéotron, au Journal de Québec et au Journal de Montréal, mais il oublie ceux au Groupe TVA et au Réveil ?

Concernant le coeur du litige au Journal de Montréal, que M. Péladeau décrit comme étant « des aménagements à une convention collective d’une autre époque », il évite de mentionner que ses demandes ne se limitaient pas à retirer la semaine de travail de quatre jours à ses employés ou encore à réviser le nombre de journées de vacances allouées. Dans les faits, l’objectif était aussi de modifier les clauses professionnelles des journalistes et des travailleuses et travailleurs de l’information afin de mettre en place le modèle d’affaires Québecor tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec en son centre l’Agence QMI. Ce modèle permet un partage sans barrières des contenus entre ses différentes entreprises. Non seulement cette situation contrevient grandement à l’indépendance de chacune des salles de rédaction au sein du groupe (ce qui nuit en fin de compte à la diversité de l’information), mais elle se fait également au détriment des droits d’auteur et des droits moraux que les journalistes pigistes doivent céder lorsqu’ils vendent leur travail journalistique au groupe Québecor.

Si certains saluent la synergie qu’il a su créer entre ses différentes entreprises, tout en maximisant ses profits, plusieurs ignorent qu’elle est à l’origine de centaines de pertes d’emploi et que les employés restants ont fait des concessions considérables dans leurs conditions de travail, et ce, dans toutes les divisions du réseau Québecor. M. Péladeau ne négociait pas. Il instaurait plutôt un régime de terreur à coups de conflits de travail, de menaces, d’intransigeance et de procédures judiciaires.

D’ailleurs, à la suite de ces lockouts, la Commission de l’économie et du travail avait recommandé « que le ministère du Travail revoie la notion d’établissement ainsi que la notion d’employeur prévue dans le Code du travail pour tenir compte de l’évolution des réalités économiques et technologiques, et ce, afin d’établir un juste équilibre du rapport de force entre les parties négociantes lors d’un conflit de travail », recommandation adoptée par l’Assemblée nationale. Rappelons que le PQ a retiré de son programme électoral sa promesse d’agir dans le sens de cette recommandation la veille de l’annonce de la candidature de Pierre Karl Péladeau aux dernières élections.

En fait, l’histoire démontre que, malgré ses affirmations et l’angle qu’il tente de donner aux événements qui ont marqué son règne à la tête de Québecor, les actions de Pierre Karl Péladeau parlent plus fort que ses mots. Son parcours de patron démontre qu’il est un antisyndicaliste radical et éprouvé, et la restructuration de ses médias d’information prouve que l’indépendance rédactionnelle de chacun d’entre eux et la diversité de contenu n’ont pas été sa priorité en tant que propriétaire d’entreprise de presse.

De plus, le fait d’avoir retiré ses entreprises du Conseil de presse depuis 2010 sous-entend qu’il n’a aucunement le désir de se soumettre à son code d’éthique. Le droit du public à l’information n’est pas au centre de ses préoccupations. Agira-t-il ainsi en ce qui concerne les règles imposées aux élus, et particulièrement aux ministres et au premier ministre afin d’éviter les conflits d’intérêts et l’abus de pouvoir ?

Quand PKP voit d’un bon oeil l’intrusion du privé dans le secteur des services publics, il faut comprendre que la saine concurrence dont il fait l’éloge au sein de ses entreprises s’est réalisée sur le dos de ses employés. Et si on se rappelle la guerre que ses journaux hebdomadaires ont livrée à ceux de Transcontinental en offrant des tarifs publicitaires « déloyaux », ce n’était pas pour favoriser une saine concurrence, mais bien pour la tuer. Comment croire ses paroles alors que ses gestes et les faits prouvent le contraire ?