Manœuvres militaires de l’OTAN contre un « ennemi sans nom »

2014/09/03 | Par Michel Chossudovsky

L’alliance militaire occidentale est dans un état de préparation avancé et la Russie aussi. Cette dernière est présentée comme l’« agresseur » et une confrontation militaire opposant les États-Unis et l’OTAN à la Russie est possible.

Le Sénat étasunien adopté une législation nommée « The Russian Aggression Prevention Act » (RAPA) (Loi sur la prévention de l’agression russe) qui place les États-Unis sur la voie d’un conflit militaire direct avec la Russie en Ukraine. 

Toute guerre américano-russe est susceptible de dégénérer rapidement en guerre nucléaire, puisque ni les États-Unis ni la Russie ne seraient prêts à admettre la défaite. Les deux ont des milliers d’armes nucléaires pouvant être utilisées immédiatement et sont partisans de la Contreforce, une doctrine militaire chargeant leurs soldats de détruire préventivement les forces nucléaires de l’ennemi en cas de guerre.

La loi sur la prévention de l’agression russe (RAPA) est l’aboutissement de plus de vingt ans de préparatifs de guerre des États-Unis et de l’OTAN consistant à encercler militairement la Russie et la Chine.

Dès l’instant où l’Union soviétique s’est effondrée en 1991, les États-Unis ont poursuivi sans relâche une stratégie d’encerclement de la Russie, tout comme ils l’ont fait avec d’autres pays perçus comme ennemis, notamment la Chine et l’Iran. Ils ont intégré au sein de l’OTAN 12 pays d’Europe centrale, tous d’anciens alliés de Moscou. La puissance militaire étasunienne est maintenant directement aux frontières de la Russie. 

Le 24 juillet, en consultation avec le Pentagone, le commandant général de l’OTAN en Europe, Philip Breedlove, a appelé à « stocker suffisamment d’armes, de munitions et autres approvisionnements sur une base militaire en Pologne afin de soutenir un déploiement rapide de milliers de soldats contre la Russie ».

De manière plus générale, les deux parties impliquées dans de vastes jeux de guerre favorisent un scénario d’escalade militaire.

La structure des alliances militaires parrainées par les États-Unis joue un rôle crucial dans la planification de la guerre. Nous sommes face à une force militaire redoutable impliquant une alliance mondiale de 28 États membres de l’OTAN.

Les États-Unis et l’OTAN ont établi au-delà de la « région de l’Atlantique », un réseau d’alliances militaires bilatérales avec les pays « partenaires » contre la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord.

Les préparatifs de guerre sont toujours accompagnés par d’importants exercices militaires. Des exercices navals de guerres multiples des États-Unis et de l’OTAN seront menés au large des côtes de la Floride dans le cadre de l’opération FLEETEX, à laquelle participeront les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et la Turquie.

Le principe sous-jacent de ces jeux de guerre est une « guerre mondiale ». Les quatre États membres de l’OTAN longent des couloirs maritimes stratégiques contigues aux zones maritimes russes, à savoir la mer et le détroit de Béring (États-Unis), l’océan Arctique (Canada), la mer du Nord (Allemagne) et la mer Noire (Turquie).

Les jeux de guerre de la Floride sont fondés sur l’intégration et la coordination multinationales des opérations navales contre un « ennemi sans nom ».

Les exercices de l’OTAN en mer Noire en juillet ont ironiquement commencé  exactement le même jour que ceux de l’« ennemi sans nom » (la Russie), impliquant sa flotte de la mer Noire en Crimée.

La Russie a clairement indiqué qu’elle n’apprécie pas la présence de l’OTAN en mer Noire. La marine russe a fait savoir qu’elle suit les exercices avec des avions de reconnaissance et des navires de surveillance.

Depuis 2006, les États-Unis accroissent leur arsenal en Pologne, à la frontière occidentale de la Russie. Le déploiement des forces étasuniennes en Pologne a débuté en juillet 2010 (à 64 km de la frontière) et vise à enseigner aux forces polonaises à utiliser des missiles Patriot fabriqués aux États-Unis.

Récemment, le Pentagone a annoncé le déploiement en Ukraine de troupes étasuniennes et de forces de la Garde nationale dans le cadre d’une opération de formation militaire. Les États-Unis et l’OTAN envisagent également d’autres déploiements de forces terrestres de l’OTAN en Pologne, en Lettonie, en Estonie et en Lituanie, ainsi qu’en Géorgie et en Azerbaïdjan à la frontière sud de la Russie.

Ces déploiements prévus dans l’ébauche de la Loi sur la prévention de l’agression russe font également partie d’une stratégie « défensive » de l’OTAN dans le cas d’une « invasion russe ».

L’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit dans l’est de l’Ukraine ont alarmé la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie, qui, comme l’Ukraine, sont d’anciennes républiques soviétiques avec des minorités russophones.

Au cours d’une brève visite en Lettoniei, Angela Merkel a promis que l’OTAN défendrait les États baltes, mais que des troupes de combat permanentes ne seraient pas envoyées.

Le déploiement à la frontière sud de la Russie sera coordonné en vertu d’une entente signée le 22 août  2014 par Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan.

En Extrême-Orient, les frontières de la Russie sont également menacées par le « virage asiatique » d’Obama.

D’un point de vue militaire, le « virage asiatique » consiste à étendre les déploiements militaires des États-Unis dans la région Asie-Pacifique, ainsi qu’à exploiter la participation des alliés de Washington dans la région, dont le Japon, la Corée du Sud et l’Australie.

Ces pays ont signé des accords bilatéraux de coopération militaire avec Washington. En tant qu’alliés des États-Unis, ils doivent s’impliquer dans les plans de guerre du Pentagone destinés à contrer la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Le 12 août, les États-Unis et l’Australie ont signé un accord militaire permettant le déploiement des troupes étasuniennes en Australie. 

Bien que cette nouvelle confrontation Est-Ouest ait été qualifiée à tort de « nouvelle Guerre froide », aucune des garanties en vigueur au cours de la Guerre froide ne prévaut. La diplomatie internationale s’est effondrée. La Russie a été exclue du Groupe des Huit (G-8).

Contrairement à la Guerre froide, il n’y a pas de « dialogue Est-Ouest » entre les superpuissances dans le but d’éviter une confrontation militaire. Le Conseil de sécurité des Nations Unies est pour sa part devenu un porte-parole de facto du Département d’État étasunien.

Les États-Unis et l’OTAN ne seront toutefois pas en mesure de gagner une guerre conventionnelle contre la Russie puisque une confrontation militaire risque de conduire à une guerre nucléaire.

Dans l’ère post-Guerre froide, les armes nucléaires ne sont plus considérées comme des « armes de dernier recours » comme elles l’étaient en vertu de la doctrine de « destruction mutuelle assurée » (DMA) de la Guerre froide.

Le Pentagone décrit les armes nucléaires comme étant « sans danger pour la population civile environnante, car l’explosion est souterraine ». En 2002, le Sénat étasunien a donné le feu vert à l’utilisation d’armes nucléaires dans le théâtre de guerres conventionnelles. Les bombes nucléaires font partie de la « boîte à outils militaire » pouvant être utilisés avec des armes conventionnelles.

Nous sommes face à un scénario de Troisième Guerre mondiale, qui sera l’objet du Sommet de l’OTAN au pays de Galles, organisé par le premier ministre britannique David Cameron. L’ordre du jour de cette réunion a été décidé par Washington, l’OTAN et le gouvernement britannique. David Cameron a adressé une lettre aux chefs d’État des pays membres de l’OTAN avant le Sommet. Selon lui :

« En réaction aux gestes illégaux de la Russie en Ukraine, les dirigeants des pays de l'OTAN doivent examiner lors du Sommet la relation à long terme de l’OTAN avec la Russie. Le premier ministre veut en outre utiliser le Sommet pour rassurer ses alliés en Europe de l’Est et décider comment l’OTAN maintiendra une présence robuste dans cette région dans les prochains mois, en s’appuyant sur les travaux déjà en cours dans l’Alliance. »