À Québec, des rues dénaturées par l’affichage en anglais

2024/05/22 | Par Gilles Simard

L’auteur est citoyen de Québec
 

Bien que la situation ne soit pas aussi « dramatique » qu’à Montréal, Québec, la plus vieille ville française en Amérique du nord, voit de plus en plus son paysage visuel changé par un affichage commercial où un anglais frondeur prend parfois toute la place. Une dégradation lexicale éhontée, un tarabiscotage dû entre autres au laxisme de cette loi 101 qu’on vient juste de modifier avec la loi 96. Mais sera-ce suffisant pour contrer l’anglomanie galopante?

Chose certaine, le touriste qui arpente les rues Côte de la Montagne, Saint-Jean, Saint-Louis ou Saint-Paul pour y trouver la patine linguistique « tipically french » tant recherchée, sera certainement déçu de voir comment les affiches quasi unilingues en anglais des franchises sans âme Mary’s Popcorn, Mango Tea, Cool as a Moose, Sugar Daddy, DavidsTea, etc., ont pu si facilement remplacer le français des charmants bistros d’autrefois.

Et ce qui vaut pour l’affichage commercial extérieur, vaut aussi pour les instructions d’utilité publique, les événements culturels, (Fest, Week…), les menus de restaurants, les programmes…

C’est un cancer dont les métastases se sont propagées partout en basse-ville et aussi dans le faubourg St-Jean Baptiste, un quartier (le mien) réputé très militant, où des vitrines telles Stay Sharp, Gold Rice et Barber Shop donnent la réplique aux placards North Face et Vape Shop de ce monde. La « diversité linguistique » quoi!

Et le comble dans tout ça, c’est que souvent hélas les affiches fautives batifolent innocemment à côté des fanions et des gonfalons marqués ACCENT LOCAL semés à tout vent par la Ville dans un effort de promotion économique et sociale. Le franglais comme « accent local », vraiment?
 

L’anglais, comme la renouée japonaise

En fait, j’ai l’impression que l’affichage en anglais est devenu aussi pire que la renouée japonaise en matière de colonisation du champ visuel de la Capitale-Nationale. Tu coupes une tige et il en repousse quatre issues du même rhizome. Ainsi, il y a peu, après avoir logé une plainte à l’Office Québécois de la Langue Française (OQLF), nous avons réussi dans mon quartier à pousser un commerçant « délinquant » à refaire son enseigne en français. Tout le monde était content, à commencer par le propriétaire lui-même, sauf qu’à peine trois semaines après, trois nouveaux commerces du même secteur s’affichaient pompeusement en anglais. Comme la renouée, je vous dis… Décourageant!

Mais comment se fait-il que l’on ne puisse compter que sur la dénonciation citoyenne et les sanctions (souvent risibles) de l’OQLF pour mettre au pas les commerçants inconscients ou peu scrupuleux ? Qu’est-ce qui fait qu’à Québec, haut lieu d’histoire et de culture, il soit si facile pour un commerçant non respectueux de la loi d’obtenir un permis d’exploitation?

Partant, pourquoi doit-on toujours attendre de sévir en aval (avec l’OQLF) alors que ce serait si simple, en amont, si les municipalités, les sociétés de développement commerciales (SDC) et autres organismes concernés menaient conjointement de véritables campagnes de conscientisation pour un affichage commercial en français? Qu’attend-on pour agir plutôt que de se renvoyer la balle quand ça dérape ? Et nos élus-es, tous paliers confondus, dorment-ils ? La cause n’en vaut-elle pas la peine?

Finalement, adoptée il y a peu, la loi 96 doit devenir pleinement opérante en juin 2025, question affichage. D’ici là, en espérant que ce soit suffisant pour mettre le holà, j’espère seulement que Québec et son « ACCENT D’AMÉRIQUE » n’en pâtiront pas trop. C’est déjà bien assez de globish indigeste comme ça.