Faire payer Facebook : un fiasco

2024/06/07 | Par Pierre Dubuc

Le magazine britannique The Economist reconnaît ce que tous les médias québécois et canadiens refusent de faire : le plan du gouvernement fédéral pour faire payer Facebook pour la référence  d’articles des médias est un fiasco.

« A plan to fund journalism with cash from big tech has become a fiasco » est le sous-titre d’un éditorial dans l’édition du 18 mai 2024, intitulé « No news is bad news ». Selon The Economist, dès le départ, lorsque l’Australie a réussi à conclure une entente en 2021 avec Google et Facebook pour un montant d’argent versé aux médias, plusieurs se sont demandé pourquoi les géants du web acceptaient de payer pour la création d’un lien de référence aux articles des médias.

Le procédé est douteux, selon le magazine. Il va à l’encontre même du principe de base de l’Internet, la gratuité, tout en étant contestable du point de vue de la liberté de parole.

The Economist s’attarde au cas du Canada, où Facebook a banni depuis neuf mois les références aux articles des médias en rétorsion à une loi canadienne exigeant que Meta, propriétaire de Facebook, paye une redevance aux médias en échange de la création de liens menant à leurs articles.

Un article dans les pages intérieures du magazine analyse les conséquences de la politique canadienne. Facebook n’a pas souffert du bannissement des articles, car les informations constituent moins de 3% du volume du trafic. Ses revenus pour le Canada et les États-Unis – ils ne sont pas ventilés par pays – ont augmenté de 19% au cours des neuf mois du boycott.

Par contre, les dommages sont importants pour les médias. Selon une étude menée par les universités McGill et de Toronto, les grands diffuseurs ont perdu, au cours des six premiers mois, 64% des likes, des commentaires, etc. C’est 85 % pour les médias régionaux et locaux. Dans les régions rurales de la Colombie-Britannique, les médias locaux ont perdu de 30 à 40% de leur lectorat.

Dans le cas de L’aut’journal, l’achalandage sur notre site a diminué de moitié, nos lecteurs ne pouvant poster sur leur page Facebook de liens menant à nos articles.

La ministre responsable de la loi, Pascale St-Onge, a reconnu que l’information a horreur du vide et que « le boycott des médias a engendré une explosion de désinformation et de mauvaises informations ».

Le Canada voulait imiter l’Australie. Maintenant, Meta se sert de l’exemple canadien pour remettre en question son entente avec l’Australie.

Selon The Economist, les éditeurs doivent mettre fin à cette fiction selon laquelle les géants du web volent injustement leurs revenus publicitaires et leur doivent des millions de dollars pour les liens menant à leurs articles.

Pour notre part, nous reconnaissons que les gouvernements doivent taxer les géants du web. Après tout, ils encaissent quelque 14 milliards $ en publicité canadienne et environ 11 milliards en abonnement, pour lesquels ils ne sont pas taxés! mais force est de reconnaître que l’approche utilisée est un échec. Aux gouvernements, de trouver une autre approche.