Les bottines suivaient les babines

2024/07/29 | Par Pierre Dubuc

Au milieu des années 1990, j’étais attablé avec Réjean Parent dans un restaurant de la rue du Parc à Montréal. Je ne me souviens plus du but précis de cette rencontre (soutien à L’aut’journal, peut-être), mais la discussion a vite bifurqué sur les nouveaux défis posés par la fusion des commissions scolaires à laquelle le gouvernement venait de procéder. Sur la Rive-Sud de Montréal, Réjean Parent et ses collègues étaient à la manœuvre pour regrouper les nouvelles entités syndicales au sein d’une même organisation, le Syndicat de Champlain.

Réjean me parlait de la nécessité de professionnaliser les communications syndicales et de mettre en place des publications qui devraient, à la fois, refléter la singularité de chaque section syndicale, mais également entrainer l’adhésion et l’identification à la nouvelle entité. J’acceptai avec enthousiasme de relever ce défi, lorsqu’il me le proposa.

Au cours des années, j’ai pu apprécier les talents de visionnaire, de meneur, de rassembleur de Réjean à titre de président du Syndicat de Champlain. Il savait écouter pour « se faire une tête » – comme il disait – et lorsqu’il était convaincu, il savait être convaincant. Il ne refusait jamais le débat avec les personnes d’avis contraire, comme pourrait en témoigner Jean-François Roberge, alors enseignant membre du syndicat, avant de devenir ministre de l’Éducation.

À la présidence de la CSQ, il a été l’initiateur en 2005 du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP), qui regroupait les 270 000 membres de la CSQ, du SFPQ et de l’APTS. Le SISP a fait partie, comme entité, du Front commun de 2015. Malheureusement, il n’a pas réussi à pérenniser l’organisation avec des structures permanentes.
 

Une vision commune

Au fil de nos innombrables discussions, nous avons, Réjean et moi, développer une vision commune de l’action politique. D’abord, sur l’objectif, l’indépendance du Québec. Puis, sur la nécessité de renforcer le flanc gauche de la grande coalition indépendantiste pour espérer la victoire. Comme nous nous le rappelions récemment dans une conversation téléphonique, nous avions identifié trois moyens essentiels pour ce faire : un journal, un centre de recherche de gauche, et une aile progressiste au sein du Parti Québécois.

La possibilité d’un centre de recherche s’est présentée avec la création de la Chaire d’études socioéconomiques de l’UQAM. Pendant deux ans, à mi-temps, j’ai épaulé le titulaire à titre de directeur général. Réjean a été membre du conseil d’administration et s’est investi pour recruter des bailleurs de fonds.

Au plan politique, son appui à la création du SPQ Libre, un club politique au sein du Parti Québécois, a été décisif. C’est, en effet, lors d’une rencontre à quatre avec Bernard Landry et le Dr Lazure que le chef du PQ a donné son accord. La caution syndicale qu’apportait Réjean a fait pencher la balance.

Encore une fois, les bottines suivaient les babines.

Quant à L’aut’journal, pierre d’assise des autres initiatives, il a toujours bénéficié de son soutien indéfectible. Mais il y a plus. Réjean s’est découvert, progressivement, une passion pour la rédaction de prises de position politique, d’abord par ses éditoriaux dans Le Champlain, le journal syndical, puis sur son blogue à titre de président de la CSQ.

Ses mandats terminés à la CSQ, il a hérité d’une chronique bihebdomadaire au Journal de Montréal et de Québec. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Pas question de sauter une chronique, même malade, même hospitalisé, même cloué à son lit.

Depuis sa greffe pulmonaire, son épouse Pauline nous tenait, son cercle d’amiEs, informés régulièrement – 106 messages au cours des quatre dernières années – des hauts et des bas de son état de santé. Au cours des six derniers mois, avec sa réadmission au CHUM, c’était vraiment les montagnes russes. Mais alors que nous désespérions de son état, nous nous réveillions – à notre plus grand étonnement – les mercredi et samedi avec la chronique de Réjean dans le Journal!

Pour faire pendant à une aile droite bien pourvue, l’ailier gauche se devait d’être sur la patinoire, beau temps mauvais temps. À preuve, sa dernière chronique est parue le 10 juillet et il est décédé, une semaine plus tard, le 17 juillet.

Mon cher Réjean, tu peux reposer en paix. Nous allons nous assurer de la présence d’une relève sur le flanc gauche avec le même engagement pour la justice sociale et l’amour du Québec qui ont été les tiens.

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Ses funérailles auront lieu les 7 et 8 aout au Complexe funéraire Demers au 651, boul. Laurier, McMasterville. 

La famille vous accueillera le 7 aout de 13 h à 16 h et de 18 h à 21 h ainsi que le 8 aout de 13 h à 16 h. Une cérémonie hommage aura lieu à 16 h au même endroit.